21/10/2008

Il rentre dans la pièce titubant.

Le visage dans ses mains, les nerfs à plats, il ne maîtrise plus ses gestes, se cogne dans la porte. Il chancel, il tombe à genou, il pleure. La couleur du sang le rappel à la réalité. Tout est allé si vite, si violement. A midi, elle était encore vivante, elle riait, il l’aimait, la prenait dans ses bras. Son cœur tente de s’arracher, d’exploser, de s’expulser de sa poitrine. Il ne veut plus être la, il ne veut plus être lui, il veut s’échapper. Loin. Seul ce mot le calme. Loin. L’espoir d’un ailleurs, d’un autrement, d’un recommencement, de l’oublie de ce qui s’est passé. La fuite.
La tête ensanglantée, on dirait qu’elle sourit. Le sang s’est écoulé sur son visage en bruine et en léger filet. La pâleur de son visage contraste avec la vague pourpre qui dégouline le long de ces joues blanches. Ses cheveux noirs tentent de camoufler le malheur, d’en effacer les traces. La trace d’un drame qui n’aurait jamais du arriver, d’un drame qui s’est joué à des détails, des centimètres, de la nervosité, d’un muscle qui se tend trop, trop vite. Elle sourit à l’ange qui est venu la chercher. Pas de temps pour la souffrance.
Il ne peut plus rien. Ni pour lui, ni pour elle. Est-elle toujours en vie ? Peu importe la réponse, il reste tétanisé. Les drogues ne l’ont toujours pas libéré. La colère l’a abandonnée elle. Aussi vite arrivée, aussi vite repartie. Un éclair, un flash, une folie, un geste. Il n’en a pas fallu plus pour que la vie bascule. Il ne sait pas ou il est. Tout juste qui il est.
Le frère rentre. Le frère cri, hurle, panique, s’affaire autour de sa sœur chérie. Sa sœur adorée. Sa sœur assassinée.
Il ne l’entend pas, il n’entend rien. Bientôt, il sentira une nuée l’entourer, l’oppresser, l’emmener au loin. Pas encore assez loin. Il voudrait aller voir derrière la porte s’il y trouve ses esprits. Il voudrait aller voir de l’autre coté du globe s’il se retrouve lui-même. Il voudrait aller voir de l’autre coté de la vie ce qu’elle cache. Ses mains attachées lui rappellent la réalité. Celle là aussi il voudrait la trouver, lui demander des comptes. Les questions tombent comme le marteau sur l’enclume. Il tente de relever la tête vainement. On lui fait avaler des cachets. Il veut les recracher. Il n’y arrive pas. Il les avale. Le mal de crâne est parti mais son visage reste brouillé. Les questions, les explications, les menaces, les cris, le calme forme un puzzle qui ne s’emboîte pas. Les formes sont molles. Son cerveau est une horloge de Dali. Il reste horloge mais ne peut donner l'heure. Il est dépossédé de son essence, de sa raison d’être. Le visage ensanglanté lui revient régulièrement à la mémoire. Il tente d’enlever désespérément le sang, de nettoyer se visage qu’il chéri tant. Il ne peut pas parler.
Alors on lui raconte la scène, on lui décrit. Un geste violent, déplacé, non maîtrisé, un geste de protection. Un placard mal fermé, une glissade, une réaction brusque, la tête se cogne une première et dernière fois.
Click ! Clack ! C’est tout ce qu’il capte. Son seul contact avec le monde extérieur, avec une réalité après laquelle il court. Une réalité à qui il voudrait faire la peau. Il se réveille tous les matins au coté de ce visage. Il pleure comme au premier jour de sa nouvelle existence.
Le temps s’écoule, les années défilent, les saisons passent. Il meurt chaque jour un peu plus. L’ange ne viendra pas pour lui….

Aucun commentaire: